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Thursday 16 August 2012


L'odyssée périlleuse du porte-conteneurs "MSC Flaminia"


Par Marie-Béatrice Baudet
Le MSC Flaminia a été victime d'un incendie puis d'une explosion, le 14 juillet, au large des pointes bretonne et britannique. Le navire long de 299 mètres, qui bat pavillon allemand, a été pris en charge par trois remorqueurs.

C'est une opération de sauvetage d'envergure qui se joue actuellement au large de la Bretagne. De celles qui resteront dans les annales de la marine. Si tout se termine bien, évidemment. La mission ?

Ramener à bon port le MSC Flaminia, un porte-conteneurs de 299 mètres de long, victime le 14 juillet d'un incendie puis d'une explosion - suivie d'une seconde quatre jours plus tard - qui ont ravagé une bonne partie de la cargaison entreposée au milieu du pont du navire. Il ne resterait plus qu'une grosse moitié des 2 876 boîtes transportées, dont certaines sont dangereuses et présentent un risque de pollution.

Le bâtiment, qui bat pavillon allemand, était parti du port américain de Charleston (Caroline du Sud) et faisait route, au sud-ouest de la Manche, vers Anvers, lorsque des flammes sont apparues sur le panneau de chargement numéro 4. L'alerte a été immédiatement déclenchée et les secours coordonnés par les garde-côtes britanniques. Deux marins ont péri, trois autres ont été blessés et l'équipage a dû être évacué.

Infographie

Si le cargo avait été un navire-poubelle, tout aurait pu mal finir, et vite. C'est loin d'être le cas. Le MSC Flaminia date de 2001 et son armateur, Reederei NSB, basé à Buxtehude, près du port de Hambourg, fait partie du gratin maritime. La compagnie a décidé de mettre les moyens pour préserver son bateau et le reste du fret. Elle a fait appel à l'un des meilleurs spécialistes du sauvetage en mer, le néerlandais Smit Salvage, qui a mobilisé trois remorqueurs, véritables monstres des mers, à l'instar de l'Anglian-Sovereign, qui développe 250 tonnes de puissance au croc.
LE BATEAU EST APTE À NAVIGUER
Pour autant, un mois après l'accident, rien n'est vraiment réglé. Certes le feu semble maîtrisé et le transfert des eaux d'incendie vers les ballasts a permis decorriger la gîte du bâtiment - passée à 10 % après les avaries mais rétablie à 2,5 % le 14 août. Une expertise complémentaire à celle de Smit Salvage, réalisée par le cabinet indépendant Germanischer Lloyd, a été transmise le 10 août aux autorités des Etats côtiers (France, Royaume-UniEspagneIrlandeBelgique). Le diagnostic est plutôt favorable : la structure du navire permet son remorquage. Il est apte à naviguer.
Dans ces conditions, pourquoi est-il encore au large des pointes bretonne et britannique ? Cette situation a déclenché, dans l'Hexagone, la colère de plusieurs ONG environnementales et de l'Association française des capitaines de navires (Afcan), qui redoute une nouvelle catastrophe maritime et son lot de pollution.
Les mécontents invoquent le décret du 2 février 2012 "relatif à l'accueil dans un lieu-refuge d'un navire ayant besoin d'assistance". Leurs voix se mêlent à celle de l'armateur, dont le président, Helmut Ponath, expliquait, le 9 août, qu'il était"choqué de voir qu'un navire battant pavillon allemand n'obtenait pas la permission de rallier un port européen".
A Paris, au ministère des transports, de la mer et de la pêche, on rappelle que"cette procédure se déclenche en cas d'urgence, et qu'elle est donc inappropriée, en tout cas pour le moment, dans le cas du MSC Flaminia". La France, comme les autres pays concernés, répète à l'envi qu'il est nécessaire "d'en savoir plus sur l'état de la coque et de la cargaison", avant de laisser entrer le navire incendié dans l'un de ses ports.
La coque ? Germanischer Lloyd a donné son feu vert. Reste la cargaison, et c'est là où le bât blesse. Comment savoir ce que contiennent précisément les 2 876 boîtes transportées, soit l'équivalent de 1 400 semi-remorques ? Interrogé par Le Monde, l'armateur Reederei NSB explique être "dans l'incapacité de donner une telle information" et renvoie vers l'affréteur du navire - la compagnie MSC -, qui n'en dit guère davantage.
"Ces réponses n'ont rien d'étonnant", précise un expert maritime, qui rappelle que 90 % du commerce mondial se fait par la mer. "Les armateurs ne savent pas ce qu'il y a dans les conteneurs. Il faut se tourner vers les chargeurs ; or leur sincérité est souvent aléatoire." Certes, avec la crainte d'attentats terroristes, les contrôles ont été renforcés dans les ports. Davantage à l'entrée qu'à la sortie, néanmoins.
37 CONTENEURS À HAUTS RISQUES
Les plans de charge très réglementés par le droit international - les produits dangereux doivent être placés en avant des navires, loin des machines, par exemple - doivent être transmis aux autorités. Et le contenu des conteneurs précisé. "Mais tout cela reste du déclaratif, insiste un officier de la marine. Les trafics existent, on le sait. De même que les fausses déclarations qui permettent d'éviter le surcoût lié aux précautions à prendre lorsque des matières dangereuses sont embarquées."
Le ministère français de l'écologie a demandé au Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) de réaliser une expertise sur la cargaison à partir du plan de charge du MSC Flaminia. Selon l'organisme, "quelque 37 conteneurs situés dans la zone touchée par l'explosion pourraient représenter un risque de pollution, en raison des produits chimiques qu'ils contiennent".
Lesquels ? Les voix officielles restent silencieuses. Mais selon plusieurs sources, des conteneurs abriteraient notamment des phytosanitaires, des produits chimiques inflammables, des produits chimiques explosifs et du gaz qui sert àgonfler les airbags, très irritant pour les yeux. Sans oublier le reliquat de carburant, évalué entre 250 et 1 000 tonnes, car il est difficile de savoir ce qui a brûlé.
Même si l'enquête relève de l'Etat du pavillon, donc de l'Allemagne, aucune autorité proche du dossier n'est aujourd'hui en mesure de dire précisément ce qui a provoqué l'incendie (un court-circuit ?) puis l'explosion.
Mercredi 15 août, les remorqueurs de Smit Salvage ont conduit le MSC Flaminiadans une zone maritime moins exposée à la dépression qui frappe actuellement les côtes atlantiques. Ce sera un nouveau test pour la résistance du navire.
"UNE VÉRITABLE PARTIE DE MIKADO"
En cas d'incident, la procédure du port-refuge pourra être déclenchée. Sinon, le navire pourra envisager de rejoindre une destination finale. Des négociations sont en cours entre l'armateur et le port de Rotterdam.
Proche d'Anvers, il peut accueillir des navires d'un tirant d'eau de 22 mètres (celui du MSC, avec les eaux d'incendie, est de 18-19 mètres) et dispose d'équipements de déchargement très sophistiqués.
"Ce sera nécessaire", convient le vice-amiral d'escadre, Jean-Pierre Labonne, préfet maritime de l'Atlantique, qui surveille en permanence le MSC Flaminia en liaison avec son confrère de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, et des autorités britanniques. "Ce sera une véritable partie de mikado poursoulever conteneur par conteneur."
Mais avant d'arriver à Rotterdam, il faudra passer le détroit du Pas-de-Calais emprunté chaque jour par 350 à 500 navires. Le convoi sera exceptionnel : leMSC Flaminia tiré par ses remorqueurs, des bâtiments de la marine qui l'encadreront, et des avions en survol. Le tout à une vitesse de 3,5 nœuds (6,5 km/h environ) contre les 15 à 20 nœuds habituels.
Source: Le Monde, France.

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